L'imagerie médicale dans nos tribunaux ?
Alors que l'utilisation de l'IRM dans les cours de justice reste controversée, le Centre d'Aanalyse Stratégique a publié, le 11 septembre dernier, une note visant à préciser les contours de l'article 45 de la loi sur la bioéthique, article introduisant l'imagerie cérébrale comme information acceptable dans les tribunaux français.
Le CAS* dit précisément ceci :
"Compte tenu de l'absence actuelle de preuve scientifique sur la fiabilité de l'imagerie cérébrale fonctionnelle dans le cadre d'une expertise judiciaire, cette technologie ne saurait être utilisée comme preuve à charge ou à décharge."
Vous pouvez télécharger la note du CAS : 2012-09-11-neurodroit-na282.pdf
A l'étranger, l'imagerie fait des apparitions plus ou moins fructueuses :
Aux USA, des données issues de l'imagerie cérébrale ont déjà été citées dans des procès, comme en 1992 lorsqu'un homme accusé du meurtre de sa femme avait bénéficié d'une atténuation de responsabilité, grâce, notamment, à des images de son cerveau montrant un kyste aux méninges.
En 2011, en Italie, une condamnation pour meurtre a été réduite sur la foi de scanners cérébraux indiquant que l'accusé souffrait de possibles troubles mentaux.
Cas beaucoup plus médiatisé : en 2008, un juge de Bombay en Inde avait pour la première fois accepté comme preuve à charge principale dans un procès pour meurtre des enregistrements du cerveau de l'accusée, une femme de 24 ans, dont l'activité révèlerait la production de mensonges.
Les anglais, par la voix de la Royal Society, ferment pour le moment la porte de l'imagerie médicale en pointant du doigt la distance importante qui existe encore aujourd'hui entre certaines recherches fondamentales et des applications standardisées menant à des décisions de justice. Toutefois, ils préconisent également de créer des passerelles entre la justice et les neurosciences, notamment en introduisant des cours de neurosciences dans la formation des juges afin qu'ils soient plus à même de comprendre les intérêts et limites des techniques utilisées.
Certains ne doutent pas que l'imagerie médicale se développera dans les affaires de justice et l'on voit apparaitre des sociétés prêtent à miser gros sur ce pari comme les américains "No Lie MRI" que l'on pourrait traduire par "L'IRM ne ment pas".
Des données scientifiques s'accumulent toutefois pour souligner le danger de l'utilisation des images médicales auprès du grand public. En 2011, McCabe et al. ont publié un article intitulé "The Influence of fMRI Lie Detection Evidence on Juror Decision-Making" (DOI:10.1002/bsl.993). 330 personnes ont été confrontées, à l'instar des jurés, à une situation de justice dans laquelle des preuves leurs étaient présentées. Trois détecteurs de mensonges étaient utilisés : le classique polygraphe, un détecteur thermique facial et une imagerie cérébrale. 76% des jurés dans la condition IRM ont confirmé la culpabilité du prévenu, contre 47 à 53% pour les deux autres techniques. Comparativement aux autres jurés, ils ont également plus souvent cité l'IRM comme facteur décisif dans leur processus de décision. Ces données soulignent les risques importants de soumettre au grand public des données scientifiques sans formation au préalable.
Pour finir, France 2 a d'ailleurs réalisé un reportage le 18 septembre dernier sur la question (mais ne font pas mention de l'avis du CAS...) :
* Le Centre d'analyste stratégique, organisme rattaché au Premier ministre, a pour mission de conseiller le gouvernement sur "ses orientations stratégiques en matière économique, sociale, environnementale et technologique".
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