Le futur de l'IRMf
]Un article très intéressant, paru dans Nature et relayé par Mindhack, se prête à une réflexion critique sur l'IRMf, le rôle majeur qu'elle a joué en psychologie et son possible futur.
Keri Smith rappelle en introduction que l'IRMf est née il y a 20 ans aux USA. Son utilisation dans les publications scientifiques s'est imposée de manière écrasante dans le domaine des neurosciences, à tel point qu'il est devenu très difficile de publier sans ces précieuses images aujourd'hui !
Problème, l'IRMf ne mesure pas directement l'activité neuronale et ne nous apprend rien sur le nombre de neurones qui déchargent pour une tâche donnée, ou comment cette décharge influence les zones cérébrales adjacentes. Le signal est noyé dans le bruit généré par le fonctionnement normal du cerveau et les statistiques employées ajoutent bien souvent une incertitude qui rend toute interprétation très complexe. Smith cite d'ailleurs Karl Friston, directeur scientifique du centre de neuroimagerie du collège universitaire de Londres, ce dernier s'étonnant de la survie de l'IRMf aujourd'hui. Pour Friston, les scientifiques auraient bénéficié de tout ce que la technique pouvait apporter durant les 2 ou 3 premières années. Depuis, plus rien !
Plus grave pour nous, un collaborateur de Friston, Richard Frackowiak, n'hésite pas dire que l'IRMf a transformé la psychologie en une science biologique.
Quatre limites sont soulignées dans cet article:
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Mesures directes: si la technique repose sur l'idée que le signal reflète une demande accrue d'oxygène lorsque les neurones déchargent leur activité électrique en réponse à une tâche, plusieurs papiers réfutent cette hypothèse. L'augmentation de la consommation d'oxygène pourrait survenir bien avant, durant la phase préparatoire de l'activité neuronale tout autant que durant l'activité en elle même (ref) ou pire, pourrait onduler pour d'autres raisons que l'activité neuronale (ref). Pour John George, du laboratoire d'imagerie de Los Alamos au Nouveau Mexique, la chose la plus intéressante n'est pas de savoir où le sang circule dans le cerveau mais où l'électricité est active. Tout le défi reste donc de capturer le plus directement cette activité électrique.
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Plus qu'une jolie image: il n'est pas possible d'inférer de lien de causalité entre une tâche et l'endroit où elle se produit. Peter Bandettini souligne le déclin, peu à peu, de cette erreur d'interprétation. Les recherches doivent s'atteler à définir le plus précisément les réseaux en jeu pour une activité donnée et non une zone cérébrale isolée. Les méthodes statistiques de traitement doivent s'orienter vers l'analyse multivariée, descendre à l'unité la plus petite plutôt que de raisonner sur de larges patterns cérébraux.
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Atténuer le bruit: l'IRMf tend à générer de petits signaux et beaucoup de bruit de fond. Ce rapport signal/bruit impose l'utilisation de statistiques qui génèrent, à leur tour, beaucoup d'incertitude, l'interprétation pouvant aboutir à des conclusions parfois diamétralement opposées. Actuellement, les chercheurs tentent d'améliorer les outils existants: augmenter la puissance des champs magnétiques, trouver de nouveaux traceurs plus sensibles, et enfin améliorer les traitements statistiques des données recueillies.
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Et la clinique dans tout ça: sa présence dans les structures médicales reste un défi pour les scientifiques. La technique est plus à même de capturer ce qui diffère dans deux groupes ou durant deux taches plutôt qu'à l'intérieur d'un même individu. Les résultats ne sont jamais que la comparaison à une moyenne, la recherche tente de développer une approche plus développementale en comparant les images d'un patient entre elles.
Smith donne le mot de la fin à Bandettini: peut-être que dans le fond, l'IRMf n'a même pas encore réellement démarré.
Référence: http://www.nature.co...mri-2-0-1.10365
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