L'hypochondrie neurocognitive, vous connaissez?
Dans un article paru récemment dans la (toujours captivante) revue The Clinical Neuropsychologist, Kyle Boone nous présente le cas d’une patiente qui se croit convaincue d’avoir des difficultés cognitives, malgré un examen neuropsychologique tout à fait normal. L’auteur propose le terme « hypochondrie neurocognitive » pour décrire une telle présentation clinique. Boone, fait la distinction entre le trouble de conversion, qui réfère à la création inconsciente d’un symptôme et l’hypochondrie, où la personne est convaincue de présenter un trouble donné en l’absence d’évidences objectives pouvant corroborer cette hypothèse.
L’auteur, qui est reconnu pour son expertise en neuropsychologie médico-légale, distingue aussi l’hypochondrie neurocognitive du « malingering.» Dans ce cas, le patient tente plutôt de feindre consciemment et délibérément un symptôme dans le but d’y retirer un bénéfice. Dans ce cas, les mesures du niveau d’effort de la personne lors du bilan neuropsychologique sont le plus souvent déficientes.
Boone nous présente donc le cas d’une patiente âgée de 30 ans qui a été victime d’un accident de voiture trois ans avant l’évaluation neuropsychologique. À l’entrevue clinique, les détails qu’elle rapporte de l’accident ne suggèrent pas de perte de conscience ni d’amnésie antérograde ou rétrograde. Elle s’est plainte de douleur diffuse au moment de l’accident mais elle a refusé d’aller à l’hôpital, ne voulant pas abandonner ses effets personnels dans la voiture. Elle s’est présentée à l’hôpital plus tard dans la journée. L’examen neurologique était normal, tout comme la résonance magnétique cérébrale. Elle a mentionné ne pas avoir été capable de serrer les mains du médecin, un détail qui ne figure pas au dossier médical. Le médecin lui aurait donné une médication pour la douleur en lui disant qu’elle ne présentait pas d’autres séquelles apparentes de l’accident. Lorsque questionnée sur sa cognition au moment de l’évaluation neuropsychologique, Madame a mentionné que pendant les deux à trois mois suivant l’accident, elle pouvait voir le plancher bouger approximativement deux fois par mois. Elle dit avoir présenté une baisse de sa mémoire de 90% après l’accident. Au moment de l’évaluation, elle disait que sa mémoire était diminuée de 10 %. L’examen neuropsychologique a démontré un niveau d’effort optimal de même qu’une performance dans la moyenne ou supérieure aux normes aux épreuves cognitives. Fait intéressant, l’analyse du MMPI-2 a démontré que les échelles cliniques d’hypochondrie et d’hystérie était élevées. Je vous invite à lire l’article pour une description plus détaillée du cas de même que la discussion de l’auteur sur le concept d’hypochondrie neurocognitive.
Je dois avouer n’avoir jamais évalué de patients qui pourraient correspondre à ce que l’auteur décrit lorsqu’il parle d’hypochondrie neurocognitive. Toutefois, je rencontre occasionnellement des patients âgés qui se plaignent d’une difficulté cognitive très précise et qui craignent d’avoir la maladie d’Alzheimer. Par exemple, j’ai vu l’an passé une patiente qui se plaignait d’un trouble de l’orientation spatiale ne survenant qu’à une intersection bien précise près de chez-elle. Elle était évidemment anxieuse pendant l’examen neuropsychologique mais ce dernier s’est avéré normal, ce qui l’a grandement rassuré. Et vous, quelle est votre expérience ? Vous en avez déjà vu des patients qui pourraient présenter une hypochondrie neurocognitive?
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